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Photo du rédacteurFranceline Burgel

Le temps des commérages


Le dictionnaire définit une commère comme une « Femme curieuse, indiscrète et bavarde, généralement malveillante, à l’affût des moindres nouvelles, vraies ou fausses, et prompte à les colporter (Grosse, vieille commère ; les commères du quartier…) ». On lui trouve comme synonyme : concierge, cancane…


Lorsque j’étais enfant, à la campagne, il n’était pas rare de voir se baisser furtivement le rideau d’une fenêtre lorsqu’on passait devant une ferme. On savait bien qu’une personne se trouvait derrière, et qu’elle nous observait. Cette vilaine habitude serait-elle l’apanage des femmes ? Il est vrai qu’autrefois cantonnées aux tâches domestiques, elles n’avaient pas souvent l’occasion de faire des rencontres et donc de profiter de temps d’échange.


Extrait de Paleysin : « Lorsque Germaine et Augustine se retrouvaient, elles ne pouvaient s’empêcher de mettre en commun leurs nouvelles, de les cuisiner à leur sauce, de mijoter des scénarios catastrophes pour apporter un peu de saveur à leurs journées. Jules Guerraz n’appréciait pas toujours que sa femme se livre à cette cuisine, et il accusait parfois sa voisine d’attiser le feu de la médisance. Cela n’avait rien de bon pour une partie de sa clientèle, qui hésitait à venir dans son établissement par crainte des ragots qui traverseraient le village.

Assises côte à côte, elles penchaient la tête l’une vers l’autre pour parler à voix basse. Les phrases suintaient, glissaient de leur bouche dans une ronde incessante. De loin, on devinait leurs intonations à leur mine changeante, tandis que leurs mains battaient l’air sous l’effet d’une exaspération artificielle. »


Autrefois, dans les villages où l’on trouvait un lavoir, les femmes s’y réunissaient habituellement le lundi, jour de lessive, et leur langue claquait parfois plus fort que leurs coups de battoir ! On parlait alors de « radio-lavoir ».

Souvent, au cours de l’écriture, je me suis dit que j’allais trop loin, que je forçais le trait au risque de tomber dans la caricature. J’ai osé quand même, et à mon étonnement, non seulement les lecteurs n’ont pas été surpris des paroles des deux cancanes, mais m’ont fait part de souvenirs similaires !


Extrait de Paleysin : « Les effets semblent se calmer, affirma Germaine, assise au côté d’Augustine sur le banc où elles s’installaient le temps d’une pause. Maintenant qu’elle voit moins souvent la veuve…

- Vous aviez raison alors, conclut Augustine. Je n’aurais pas cru qu’on puisse être sous l’emprise de quelqu’un de la sorte !

- Ce n’est pas faute de vous l’avoir dit pourtant, soupira Germaine.

- Ils sont bien embêtés, les vieux Reynaud. Les parents de la petite sont passés, ça piaillait si fort que j’ai bien été obligée de tendre l’oreille. Louise était dans tous ses états.

- Ils l’ont bien cherché, à vouloir la faire venir ici trop tôt.

- Elle a été utile tout de même.

- Oui, oui… Utile, on ne sait pas bien à qui. Peut-être à Marius, qui ne doit guère approcher sa femme, si frêle qu’on s’attend à tout moment à la voir s’égrainer comme un épi trop mûr !

- Allons, allons, Marius est un brave homme, et si fidèle à sa Jeanne ! Vous voyez le vice partout, Germaine.

- Marius est peut-être brave, mais rappelez-vous aussi que la gamine n’est pas maîtresse de ses actions. On en revient toujours à l’influence de la veuve.

- Si ce que vous dites est vrai, ce serait bien dramatique.

- Oui, surtout si Colette en devenait grosse. On n’aurait pas fini d’en parler.

- Ce serait une catastrophe.

- Pour l’enfant, vous imaginez ? Quelle honte ! La mère et lui n’auraient plus qu’à quitter le pays.

- Surtout si le mari ne rentrait pas de la guerre…

- Vaudrait mieux qu’il ne voie jamais ça. Ce serait un déshonneur pour lui. Ce mariage, je vous dis, ça ne donnera rien de bon. »

À votre avis, comment s’exprime le commérage aujourd’hui ?

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